Clubhouse, le média social qui fait du bruit

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Des salles de conversations ouvertes dans lesquelles on peut entrer à tout moment pour écouter ou intervenir. C’est ainsi que l’on peut décrire Clubhouse, le petit réseau social qui monte, et surfe sur le retour de la voix. Il attire célébrités et inconnus du monde entier. Mais sa sécurité inquiète. (Photo Clubhouse)

Imaginez-vous scannant toutes les émissions de radio, tous les podcasts en cours dans le monde entier. Et imaginez-vous non seulement avec la possibilité de les écouter mais aussi d’y participer. Vous êtes dans Clubhouse. C’est en effet, en très synthétique, ce à quoi ressemble le tout nouveau média social dont tout le monde parle. Et dans lequel on parle. Clubhouse est un grand village mondial de salles de conversation vocales, sonores. L’opposé des échanges de messages textuels auxquels nous ont habitués beaucoup des réseaux sociaux historiques.

La voix royale

Participation active, ouverture à tous, rencontres et partage y compris avec de grands noms, dans le monde entier. La plateforme californienne a tout pour plaire. Et pour commencer, elle profite d’une grande tendance : le retour de la voix. Le succès toujours plus important des podcasts ou l’apparition des messages vocaux dans les messageries instantanées en témoignent. Clubhouse s’inscrit aussi dans le sillage des médias comme Twitch (Amazon) où l’interactivité, la conversation en temps réel sont centrales.

Des personnalités comme le patron de Free (Iliad), Xavier Niel, se sont prêtés au « ask me anything » (demandez-moi ce que vous voulez) popularisé par Reddit. Aux États-Unis, c’est Elon Musk qui a fait exploser les téléchargements de l’app déjà très prisés en Asie, en organisant une interview avec Vlad Tenev, PDG de Robinhood. Depuis, Mark Zuckerberg himself alias Zuck23 ou Bill Gates, tout comme Oprah Winfrey, Drake ou Jared Leto sont apparus dans certaines discussions, voire de véritables talk-shows.

Les marques encore frileuses

Dès le mois de mai 2020, comme le racontait alors le New York Times, les investisseurs les plus puissants de la Silicon Valley se retrouvaient dans l’app toute récente, pour réfléchir à la relance d’une économie états-unienne encore sous l’ère Donald Trump et détruite par la pandémie. Ou partager leurs astuces pour faire un bon barbecue. Flairant un véritable intérêt dans l’outil, ils ont donc, le VC Andreessen-Horowitz en tête, décidé de financer le développement la jeune pousse

Peu de marques ont encore tenté leur chance. Rare exception, Martell (Pernod Ricard) qui a testé frileusement l’eau du bain en s’associant avec l’influenceuse marketing états-unienne Karen Civil à l’occasion du Black history month. Celle-ci a organisé des conversations hebdomadaires avec des invités dans Clubhouse, sponsorisées par la marque. Depuis la pandémie en particulier, les équipes marketing s’essaient à des réseaux atypiques comme Tik Tok, Twitch ou Animal Crossing. Pas de raison qu’elles n’aillent pas donner de la voix aussi dans celui-ci.

10 millions de téléchargements

Reste à procéder subtilement, et ne pas envahir ce nouveau réseau de promotion à l’ancienne. Qu’adviendrait-il du réseau s’il perdait ce qui fait son succès aujourd’hui : son ouverture, sa liberté (même des opposants chinois ont réussi un temps à s’y exprimer sur la question ouïghoure), sa convivialité et même son côté un brin artisanal. La plateforme a un goût du web des premiers jours, voire des radios libres des années 80. On parcourt l’app un peu au hasard, croisant tous les sujets imaginables. Dans les salons français, on peut écouter des enseignants parler Edtechs, une conversation sur l’imagination ou un débat sur… Clubhouse. Le plus, c’est évidemment la possibilité de lever la main et de participer. Voire de lancer soi-même un sujet de conversation. Et le ton est – pour l’instant – celui d’une conversation entre amis en terrasse de café. Pas étonnant quand nous sommes tous privés de ces échanges que le succès soit au rendez-vous !

Réécoutez notre webconférence sur les marques et les nouveaux médias sociaux

 

Lancée en mars 2020 à San Francisco par Paul Davison et Rohan Seth, ingénieur venu de chez Google, la société dont le nom officiel est Alpha Exploration, serait déjà valorisée à 1 md$. Elle comptait 2 millions d’utilisateurs hebdomadaires actifs (à la valeur d’autant plus élevée) en janvier 2021 selon Statista. Ils seraient 6, voire 10 millions aujourd’hui selon les sources (Clubhouse ne donne pas de chiffres). Selon SenseTower, l’app a été téléchargée 10 millions de fois à ce jour contre 3,5 millions seulement le 1er février 2021. Et en janvier, elle a levé 100 millions de dollars principalement auprès d’un autre grand VC de la Silicon Valley, Andrew Chen de 16z. Un montant qui servira à développer la très demandée version Android, à adapter l’app à différentes langues, à en améliorer la capacité de découverte de sujets et de membres, mais aussi à investir dans une infrastructure robuste pour tenir la charge et dans la sécurité des systèmes.

Des faiblesses dans l’infrastructure et la protection des données

Clubhouse prête en effet le flanc à de nombreuses critiques. Ainsi, pour y accéder, il faut être invité par un membre. N’oublions pas que Twitter, par exemple, tout aussi peu connu à ses débuts, a procédé exactement de la même façon. L’app n’est disponible que sur iOS pour l’instant. Cela pourrait devenir un vrai problème face à une concurrence avide des géants qui ne se privent pas de la copier. Ainsi, Twitter a ouvert tout récemment Spaces, véritable copié-collé de Clubhouse, avec son offre payante Super Follow. Après l’avoir réservé lui aussi aux iPhone, il vient d’en annoncer une version pour Android. Facebook préparerait lui aussi un clone du réseau. Même Telegram donne depuis décembre la possibilité à ses groupes de se transformer en salons vocaux.

Mais là où Clubhouse pêche le plus gravement, c’est sur son niveau de protection des données. Première raison d’inquiétude, les échanges éphémères du réseau social sont temporairement hébergés sur les serveurs de la start-up Agora, répartis entre San Francisco et Shanghai. Par ailleurs, en février, le Californien a confirmé qu’un de ses utilisateurs avait réussi à retransmettre sur son site le contenu de plusieurs chat rooms. Une action non malicieuse selon Clubhouse, qui a néanmoins banni ledit membre de son réseau. En France, la montée en puissance du réseau social inquiète au point que la députée Paula Forteza a envoyé une lettre à la Cnil pour que le régulateur se penche sur plusieurs points : le partage des contacts du carnet d’adresses, enregistrements de conversations et transfert des données aux Etats-Unis. Tous ces défauts ne semblent pourtant pas freiner sa croissance pour l’instant. Loin de là.

Emmanuelle Delsol

 

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