Alors que la semaine du Black Friday bat son plein, la contestation gronde. Venue de militants d’associations pour une croissance raisonnée, mais aussi, de façon plus surprenantes, de marques qui affichent la même volonté. Des messages peu entendus, si l’on en croît les prévisions de vente.
Pour la 6e fois, le très américain Black Friday et ses promotions monstres ont envahi la France ce 29 novembre. Chaque dernier vendredi de novembre, au lendemain de Thanksgiving, tous les commerçants appliquent des réductions sur leurs produits et services en magasin et en ligne. Comme dans son pays d’origine, l’opération s’étend désormais du lundi précédent jusqu’au suivant, le Cyber Monday. Pourtant, cette année, la contestation gronde… Les questions de surconsommation, de consommation durable ou d’éthique sociale s’invitent dans le débat.
Green Friday contre Black Friday, la grogne verte
Green Friday, Block Friday ou « Make Friday green again » le disputent au hashtag Black Friday. Sans surprise, les militants d’associations écologistes ou altermondialistes se sont mobilisés. Plusieurs mouvements écologistes ont ainsi bloqué le tout nouvel entrepôt d’Amazon de Brétigny-sur-Orge. Mais les enseignes elles-mêmes rejoignent la contestation, sous des formes diverses et variées. Certaines ferment purement et simplement leur site de vente toute la journée. La Camif, par exemple, affiche un fier #JeDéconnectePourLaPlanète sur sa page d’accueil et propose entre autres une roue des défis. Un jeu néanmoins uniquement accessible après avoir rentré une adresse mail…
Fermer son site ou reverser ses bénéfices à une association
D’autres, comme la marque de cosmétiques naturels Typology, ne feront aucune réduction et reverseront leurs bénéfices de la journée à des ONG par exemple (Eden Reforestation Projects dans le cas de Typology). A noter que Made.com, fondée comme la start-up de cosmétiques par Ning Li, applique lui les promotions Black Friday. A l’instar de Camif ou typology, plusieurs centaines d’entreprises au sein des collectifs Green Friday et Make Friday Green Again militent pour une semaine de consommation raisonnée et responsable en fermant les ventes, ou en reversant une partie de leurs bénéfices à des associations. Pour la plupart, il s’agit néanmoins de sociétés déjà engagées dans ces actions au quotidien (bio, éthique, responsable…)
Vers une loi anti Black Friday ?
Le 25 novembre, dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, les députés ont également adopté en commission un amendement proposé par l’ancienne ministre de l’écologie Delphine Batho, afin d’interdire purement et simplement de telles opérations. Le texte pointe du doigt Black Friday et Cyber Monday : « Fondée sur la valorisation publicitaire de la surconsommation, le « Black Friday » comme le « Cyber Monday » utilisent le flou encadrant les promotions pour contourner de façon manifeste la législation encadrant les soldes. Outre son bilan environnemental désastreux, cette opération repose sur une communication trompeuse en direction des consommateurs, laissant supposer qu’ils bénéficient de réductions de prix considérables, alors qu’une étude de comparaison de prix réalisée par l’UFC-Que Choisir prouve que la moyenne des réductions effectivement pratiquées est inférieure à 2 %. »
Près de 6 milliards de CA en 2019 en France ?
Pour l’instant, le green ne semble pas encore déteindre sur le black. Occasion rêvée de faire des achats de Noël avec un budget raisonnable, en théorie, le Black Friday séduit trois quarts des Français selon un sondage BVA réalisé en novembre 2019, qui considèrent que l’opération comme une bonne chose. Le chiffre d’affaires français généré à cette occasion en 2019 devrait frôler les 6 milliards d’euros, en hausse de 4% par rapport à l’an dernier.
Peu de réelles promotions
Les aficionados du Black Friday seront peut-être plus sensibles aux résultats d’une étude de l’observatoire de la consommation de l’UFC-Que Choisir sur les véritables réductions de prix « Seulement 8,3 % des 31 603 produits suivis ont vu leur prix réellement baisser. […] Tous rabais confondus, les prix n’ont baissé que de 7,5 % en moyenne, soit très loin des 50, 60 voire 70 % de réduction mis en avant par les marchands. » Comme le précisent nos confrères de Libération, « en 2015, la législation européenne s’est assouplie et le fameux prix de référence a disparu. Un site internet peut donc tout à fait repérer chez un fabricant ou chez un concurrent le prix d’un produit, le barrer et afficher «moins 30 %».
Emmanuelle Delsol