En septembre, M&M’s a introduit un nouveau personnage dans ses campagnes publicitaires, Violet, inspiré d’une couleur LGBTQ+ et censé symboliser l’inclusion des femmes en particulier. Accusé de « wokisme » par la chaîne conservatrice Fox News, la marque a retiré tous ses bonbons parlants. Reste à savoir, comme le New York Times se le demande, si M&M’s ne jouerait pas ici un coup de billard marketing à plusieurs bandes pour attirer le buzz à quelques jours du très lucratif Super Bowl. Une stratégie à double tranchant. (Photo : Instagram M&M’s DR)
La polémique politico-marketing qui secoue les États-Unis depuis mi-janvier a pour personnages principaux les mascottes M&M’s, ces figurines animées inspirées des bonbons de la marque et batisées du nom de leur couleur. Fin 2022, celle-ci a en effet introduit Violet, arborant une des couleurs symboles de la diversité de genre sur les drapeaux LGBTQ+. L’idée ? Symboliser plus globalement l’acceptation et l’inclusion. Reste que la chaîne de télévision conservatrice états-unienne Fox News a été prompte à interpeller la marque qu’elle accuse de « wokisme ». Employé par le média avec une connotation négative, le terme désigne un courant de pensée qui promeut un idéal de justice sociale, fondé principalement sur la défense de la diversité. Pourtant, M&M’s n’a pas complètement bousculé les codes puisque, il qualifie Violet de personnage de féminin, malgré sa couleur.
« Coup de com » à un mois du Super Bowl ?
A la surprise générale, M&M’s a réagi très rapidement à la polémique, par une décision radicale : l’adieu à l’ensemble de ses « spokescandies », remplacés par l’humoriste états-unienne Maya Rudolph. Un article du New York Times du 27 janvier 2023 décrypte la succession d’événements et surtout, émet l’hypothèse d’un énorme coup marketing de l’enseigne. Selon le quotidien, elle aurait en effet cherché le buzz à quelques jours du très lucratif Super Bowl, événement sportif le plus suivi de l’année aux Etats-Unis. La finale du championnat de la ligue américaine de football (NFL) se déroule le 12 février 2022 au State Farm Stadium de Glendale (Arizona) et devrait activer 208 millions le nombre de vues combinées (tous canaux et tous pays confondus) selon le cabiner Kantar. A comparer aux 25 millions de la finale de la Coupe du monde de football.
L’événement est une aubaine pour les annonceurs. Pour preuve, en 2023, ils sont prêts à payer plus de 7 millions de dollars pour 30 secondes, toujours selon Kantar. Et M&M’s ne fait pas exception. Comme de nombreuses grandes marques, elle diffusera son spot publicitaire pour l’occasion. Premier argument en faveur de l’hypothèse du New York Times. D’autant que la marque a diffusé le mail suivant : « Rassurez-vous, les spokescandies resteront, à long terme, nos porte-parole officiels ». Elle n’a cependant, pour le moment, ni confirmé ni infirmé l’hypothèse du média.
Assumer un choix risqué… ou pas
Sans nul doute, la marque a réussi à faire parler d’elle et à créer une véritable attente en amont du Super Bowl. Si l’on en croit certains observateurs, avec Violet, elle aurait même volontairement cherché à provoquer les milieux conservateurs. Sa décision de faire disparaître ses mascottes faisant partie intégrante du piège… Ses petits ambassadeurs emblématiques, y compris les plus polémiques, pourraient revenir en force dans le spot du 12 février.
Interrogée par le New York Times, Debbie Millman, présidente du programme d’études en stratégie de marque de la School of Visual Arts, compare la supposée stratégie de M&M’s à celle de Nike en 2018. À l’époque, ce dernier avait provoqué un scandale en choisissant comme ambassadeur le joueur de la NFL, Colin Kaepernick, premier sportif à poser à genoux à terre pendant l’hymne national pour protester contre le racisme et les violences policières. Ce choix se serait finalement révélé payant selon l’analyste qui fait un lien direct entre l’événement et la croissance de la marque cette année-là. Elle avait enregistré un chiffre d’affaires de 39 Md$ en croissance de près de 10 %. Preuve, pour Debbie Milam, que « les marques doivent désormais prendre des risques si elles veulent établir un lien réel avec leurs clients ».
La provocation progressive des milieux conservateurs
Si le personnage vient de voir le jour, ce n’est en revanche pas la première qu’M&M’s affiche son soutien à la communauté LGBTQ+. En 2020, la marque avait publié « Luttons contre le harcèlement et soutenons les jeunes LGBTQ+ » sur Instagram, sur un fond violet. Et surtout, en janvier 2022, un an avant l’apparition de Violet, l’enseigne avait déjà décidé de transformer ses personnages Orange et Vert. Le premier a développé un trouble de l’anxiété quand le second a troqué ses bottes à talons pour des baskets. Le présentateur de Fox News, Ticker Carlson avait déjà violemment critiqué ces changements : « La M&M’s verte est apparemment devenue lesbienne. On trouve aussi une M&M’s violette, obèse, de taille XXL ».
Un plan machiavélique pour faire le buzz ?
Selon Debbie Millman, citée par le New York Times, M&M’s aurait mal anticipé les conséquences de ces modifications et aurait dû savoir qu’un tel positionnement en faveur de l’inclusivité allait provoquer des réactions polarisées. Avant d’ajouter que « si M&M’s voulaient vraiment prendre position pour ce en quoi elle croyait, elle aurait dû avoir le cran de s’y tenir ». Et si en réalité, la marque avait volontairement joué la provocation ? C’est l’avis de certains observateurs… Ce serait alors un joli coup marketing, attisant la curiosité en particulier autour de son spot pour le Super Bowl.
Qui plus est, si la décision d’oublier ses spokecandies interroge sur la stratégie marketing de M&M’s, celle de remplacer ces symboles reconnus internationalement par une ambassadrice très peu connue hors des Etats-Unis paraît d’autant plus risquée. Autre argument en faveur d’une stratégie purement temporaire, vouée à attirer l’attention. Reste la fine ligne avec laquelle la marque joue, comme beaucoup d’autres, sur des sujets aussi sensibles et politiques que la diversité.
Clémence Tingry / Emmanuelle Delsol