Le patron de Twitter a décidé de passer de 280 à 10000 caractères le volume d’un Tweet pour les abonnés Blue. Une décision mue par la peur de la concurrence de la plateforme Substack, pourtant quasi inconnue dans le monde. Sans autre bénéfice pour le réseau social, et au risque d’en tuer l’identité. (Crédit IDG)
Vous en avez rêvé (ou pas) ? Quoiqu’il en soit, Elon Musk l’a fait. Il sera désormais possible de rédiger des tweets de 10 000 caractères. Une fonction néanmoins réservée à ses abonnés Blue payants, identifiés par le petit signe « vérifié » bleu. Ils auront d’ailleurs également l’immense privilège de pouvoir écrire leur texte en gras, en italique ou de le souligner, comme le rapporte The Verge.
Une des spécificités de Twitter depuis son lancement en 2006 réside pourtant dans la brièveté des publications, poussant les utilisateurs à rester directs et concis. Une caractéristique tellement centrale que quand le volume de caractères autorisé a doublé en 2017, passant de 140 à 280 caractères, la décision a soulevé un tollé dans la twittosphère et même fait l’objet de plaisanteries à la télévision aux heures de grande écoute. Mais c’était sans compter bien sûr avec Elon Musk. Le nouveau propriétaire de Twitter vient donc tout simplement de faire exploser ce quota de texte autorisé jusqu’à l’équivalent de 4 à 6 pages d’un livre de poche.
Substack, la menace fantôme
Cette décision arriverait en réponse au lancement par Substack le 12 avril d’une fonction Notes qui se concentre sur la publication de messages courts. Cette plateforme s’apparente à une interface de publication associée à l’animation d’une communauté de lecteurs payants via des newsletters. Réaction d’Elon Musk ? Tout en retenue… Dès le lendemain, face à ce qu’il considère comme une menace pour son réseau social, il a tout simplement bloqué les tweets intégrés dans les newsletters générées avec Substack. Avant donc d’opter pour des publications de 10 000 caractères. Ou « comment tuer la concurrence potentielle dans l’œuf en 10 leçons » selon le patron de Tesla et Space X.
Aux États-Unis, la décision peut effectivement s’apparenter à un coup dur pour les écrivains indépendants qui considèrent Substack comme un outil de communication et une source de revenus. D’autant qu’ils utilisent Twitter pour promouvoir leurs contenus. Reste qu’en dehors des pays anglo-saxons, et des États-Unis en particulier, la plateforme reste très confidentielle.
Scier la branche sur laquelle Twitter est perché
Le jeu en valait-il donc la chandelle ? Pour éliminer un outil concurrent dont une grande majorité des internautes ignorait l’existence jusque-là, Elon Musk prive quasiment sa plateforme de son identité, sciant probablement la branche sur laquelle est le petit oiseau bleu est perché depuis longtemps. D’autant que la capacité à rédiger des fils (threads) de tweets donne déjà à l’ensemble des Twittos, et non uniquement aux abonnés Blue, la possibilité de publier des textes longs. Auteurs, journalistes, juristes, influenceurs ne s’en privent d’ailleurs pas.
Ce n’est que la dernière d’une série de mesures controversées prises par Twitter sous la direction d’Elon Musk. Twitter a brièvement bloqué les liens vers d’autres réseaux sociaux comme Mastodon et Instagram avant de revenir sur cette décision. Une récente querelle avec la NPR (National Public Radio) a même conduit cette dernière à quitter la plateforme. Le média se plaignait de sa perte de visibilité. Qui plus est, Twitter l’identifie désormais comme un média affilié à l’Etat. Enfin, si le blocage des concurrents semble aller à l’encontre de la philosophie du patron du réseau, qui défend une liberté d’expression absolue, la plateforme devient de plus en plus accueillante pour les discours haineux, y compris les insultes raciales, provenant d’utilisateurs Blue vérifiés.
Michael Crider, IDGNS (adaptation Emmanuelle Delsol)