Arnaud Massin (à gauche) et Johan Jidouard (à droite), ont partagé leur expérience du design thinking pour le cadrage d’un projet chez G2S. (photo A.Chandèze)
Lors de la conférence Agile en Seine 2021, un événement destiné aux utilisateurs des méthodes agiles, Groupama Support & Services (G2S), GIE regroupant l’IT, la logistique et les achats du groupe mutualiste éponyme, a partagé une expérience de mise en œuvre du design thinking pour le cadrage d’un projet. Au sein du groupe, cette méthode visant à résoudre des problèmes complexes et à nourrir l’innovation, élaborée à l’université de Stanford aux États-Unis, a été appliquée à deux reprises, pour un projet sur les véhicules 2/3 roues et pour la refonte du parcours de découverte pour les assurances multirisques habitation. C’est ce second projet qui a fait l’objet du témoignage d’Amaury Massin, responsable de projet chez G2S et de Johan Jidouard, IT manager chez G2S.
Le but de cette refonte était de simplifier un parcours très complexe qui générait des problèmes de compréhension, afin de faciliter le quotidien des équipes commerciales. « L’intention était là, mais cela ne suffisait pas pour lancer un projet », a lancé Johan Jidouard. Trois raisons ont conduit l’équipe à se tourner vers le design thinking pour débloquer la situation : d’abord, il existait un réel besoin métier à approfondir. Par ailleurs, l’équipe avait des contraintes fortes en termes de planning. « Nous étions en juin et nous souhaitions lancer le projet au plus tard en septembre 2021 » a confié le manager IT. Enfin, la méthode avait déjà fait ses preuves en 2020 sur le projet 2/3 roues. « Le design thinking répondait à la fois à nos enjeux de livraison rapide et de focalisation sur les utilisateurs », a-t-il poursuivi.
Mise en confiance
Johan Jidouard a expliqué que G2S avait adapté le processus standard de la méthode en cinq étapes, afin de tenir compte des spécificités liées au contexte de Groupama. Le principal changement a consisté à ajouter une étape d’organisation en amont, le processus mis en œuvre comptant six étapes : s’organiser, explorer, imaginer, prototyper, tester et cadrer. « Nous avons une organisation un peu complexe, car nous travaillons avec des caisses régionales. Il est donc important d’identifier les bonnes ressources et les bonnes personnes le plus tôt possible, pour leur laisser le temps de s’organiser », a souligné le manager IT. Trouver ces contributeurs, valider leur rôle, leurs missions et leurs disponibilités prend du temps, mais pour Johan Jidouard, « il est crucial d’avoir les bonnes personnes au bon endroit. » Dans la démarche de design thinking, l’équipe centrale réalise les interviews et anime les ateliers, mais elle fédère aussi un ensemble de contributeurs et d’utilisateurs finaux.
Une fois l’organisation établie, l’équipe a mené une double exploration. D’abord en interne, en allant voir les commerciaux pour comprendre leurs besoins, leurs difficultés, savoir comment ils travaillaient et comment réagissaient les clients. « Nous avons conduit des interviews avec une douzaine d’utilisateurs, des gestionnaires back-office et des commerciaux de deux caisses régionales », a raconté Johan Jidouard. Ces interviews ont été menées en binômes, avec une personne menant l’entretien et l’autre en recul, chargée d’identifier des points saillants. Pour l’équipe IT, l’expérience s’est révélée particulièrement intéressante. « Les utilisateurs ne nous connaissaient pas. Nous sommes venus leur demander de nous parler de leur travail, des outils qu’ils utilisaient et de ce qui ne marchait pas. Il y avait une mise en confiance, nous n’étions pas là pour juger leur travail, ni partie prenante dans la solution existante, mais nous étions là pour les aider à travailler plus efficacement », a pointé Amaury Massin. L’exploration s’est aussi faite à l’extérieur, à travers la réalisation d’un benchmark par rapport à la concurrence, mais aussi en regardant des parcours de découverte dans d’autres secteurs (Airbnb, SNCF…), afin de trouver des idées innovantes.
Se concentrer sur la réponse au besoin
Après la phase d’exploration ont démarré les design sprints, entièrement menés à distance. « Nous avons adapté certains ateliers pour que ce soit plus digeste. Habituellement, une démarche de design thinking prévoit 5 ateliers d’une journée, qui se suivent. Nous avons adapté le processus, en faisant des ateliers d’une demi-journée seulement, mais en doublant le nombre de jours, afin de conserver l’énergie des participants », a expliqué Johan Jidouard. Le but de ces sprints est d’ébaucher la solution, en allant jusqu’à la création d’un prototype testé auprès des utilisateurs. « Le prototype va un peu plus loin qu’une maquette, car il simule ce que pourrait être l’outil, avec un parcours cliquable. Sur l’assurance habitation, il existe de nombreux parcours différents. Pour le prototype, nous nous sommes restreints au parcours d’un propriétaire possédant une maison », a précisé Johan Jidouard.
Amaury Massin a ensuite détaillé quelques aspects importants de l’étape d’imagination. « Pour celle-ci, il est préconisé de faire abstraction des considérations budgétaires ou de faisabilité technique, afin de se concentrer sur comment répondre au mieux au besoin métier », a-t-il rappelé. Des questions ont servi de ligne conductrice afin d’élaborer les éléments de cadrage. Ainsi, les « comment pourrions-nous ? », au début d’un sprint ont vocation à définir les deux objectifs principaux du sprint. « Par exemple, comment diminuer le nombre de questions, tout en conservant une bonne sécurisation du risque ? Comment aller vers une expérience plus interactive qu’interrogative ? », a illustré le responsable de projet. La vision produit permet de se projeter, pour déterminer dans quelles conditions les objectifs du projet seraient atteints. « Nous nous sommes donnés deux ans pour aboutir à un parcours simple, fluide, sans aucune question posant des problèmes de compréhension », a confié Amaury Massin. Les « allons-nous réussir à ? » sont destinés à recueillir les préoccupations des utilisateurs. « À cette occasion, nous avons vu ressurgir des questions sur les budgets, même si nous sommes supposés en faire fi », a relevé Amaury Massin. « Cela montre que nous sommes encore dans l’apprentissage de la méthode », a rebondi Johan Jidouard.
L’accompagnement, une clef de succès
Le cadrage du projet représentait l’étape finale du processus de design thinking mis en œuvre chez G2S. C’est lors de cette phase qu’il faut prendre en compte la complexité du système d’information, en étudiant l’intégration de la solution dans celui-ci, l’architecture cible et les équipes contributrices. « Nous avons construit un premier backlog, priorisé par la valeur, et défini le MVP (produit minimum viable) avec les fonctionnalités indispensables pour les utilisateurs », a relaté Amaury Massin. Grâce à ces éléments, un chiffrage du projet a pu être réalisé, et le lancement a été planifié pour fin septembre, comme souhaité. « Nous avons fait l’itération zéro. Désormais, l’aventure continue », a lancé Amaury Massin.
Si le design thinking reste une approche nouvelle chez G2S, les retours des participants ont été très positifs. « En termes d’appropriation, nous avons eu une adhésion complète des participants. En interne, le prototype a été très bien accueilli. Quand un testeur dit spontanément que c’est génial, cela rebooste l’équipe », a témoigné Amaury Massin. Après cette expérience, l’équipe a identifié quelques grands facteurs clefs de succès. D’abord, les collaborateurs de G2S conseillent de se faire accompagner par un expert du design thinking. Pour ce projet, l’équipe a ainsi fait appel à Maria-Eliza Paez, product lead chez Zenika. G2S insiste également sur la nécessité d’embarquer toutes les parties prenantes. « Cela peut se révéler compliqué quand on découvre la méthode, d’où l’intérêt de l’accompagnement pour vendre la démarche » a pointé Amaury Massin. Il faut aussi faire confiance à l’approche. Les premiers retours sont enthousiastes, mais ensuite, les participants se demandent « est-ce qu’on n’est pas en train de vendre du rêve, est-ce qu’on ne va pas dépasser les budgets ? », a observé Amaury Massin. Dans les faits, le chiffrage du projet a montré que cela fonctionnait. Enfin, Johan Jidouard recommande de garder le même lead technique pour la réalisation, s’il est possible d’anticiper.
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Aurélie Chandeze
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