Jérôme Manceau a été promu directeur marketing et commercial de l’éditeur de mangas Kazé. Depuis le rachat de ce dernier par Crunchyroll, il bâtit une stratégie de développement de la marque, en particulier par l’exploitation de son importante communauté dans les médias sociaux. (Photo Kazé)
Passionné par les mangas et par son secteur d’activité, Jérôme Manceau ne peut que se réjouir. Directeur commercial depuis fin 2016 de l’éditeur de mangas et d’animation japonaise Kazé Manga & Anime (lire l’encadré), il en est devenu le directeur marketing en juin dernier. Sa nomination entérine le rapprochement des deux activités marketing et commerciale à la suite de l’absorption en septembre 2019 de sa maison mère japonaise Viz Media, par le distributeur américain spécialisé Crunchyroll (Warner Media).
Sa mission ? Transformer la stratégie marketing et commerciale pour positionner le petit éditeur comme une marque de référence et non plus comme un fournisseur de produits. « Très régulièrement, dans les salons, nous rencontrons des lecteurs qui connaissent très bien nos licences, mais ne savent pas du tout qui est Kazé, regrette ainsi Jérôme Manceau. Nos marques fonctionnaient indépendamment les unes des autres pour la SVOD, les produits physiques et le licensing. Nous cherchons désormais, pour chacune d’elles, à créer un univers à 360° et donc à identifier un écosystème cohérent avec les sorties sur support physique, les sorties au cinéma, la SVOD, etc. » C’est aussi une stratégie cohérente sur tous les supports que le nouveau directeur marketing veut déployer : réseaux sociaux, influenceurs, événements physiques prolongés dans le digital, e-commerce, contenu original, etc. « Je voudrais que tous les supports soient connectés pour qu’ensuite ils se nourrissent les uns des autres. Que nos campagnes digitales, display, événementielles se retrouvent partout. C’est pour cela que nous regroupons marketing et commercial ! »
Différencier le ciblage en fonction du réseau social
Pour l’instant, Kazé n’exploite pourtant quasiment pas sa présence pourtant importante dans les médias sociaux. « Nous sommes le plus gros éditeur spécialisé en divertissement japonais dans les réseaux sociaux avec quelque 600 000 abonnés au total, précise Jérôme Manceau. Nous avons été les premiers à ouvrir un compte Snapchat. » 240 000 personnes sont abonnées au compte Youtube de l’éditeur, 215 000 à sa page Facebook, et respectivement 94 500 et 86 000 à ses comptes Twitter et Instagram. Crunchyroll est aussi à la tête d’une communauté importante avec par exemple plus de 2 millions d’abonnés Instagram.
« Nous avons une vraie stratégie de développement en la matière depuis le rachat. Et depuis ma prise de fonction, outre le marketing classique, nous disposons d’une branche digitale forte au sein de l’équipe qui s’occupe des réseaux sociaux et de l’influence. » La petite maison d’édition compte développer ses points de contact avec des communications ciblées en fonction du réseau concerné. La société a jusque là traité toutes ses audiences de la même façon, alors qu’elles sont de profils très différents. Ses abonnés Instagram s’intéressent ainsi davantage aux mangas papier que les autres.
Une émission mensuelle avec les youtubers
Concrètement, à partir de 2021, Kazé souhaite doper à la fois sa prise de parole dans les réseaux en tant que marque et la création de contenu original. Pour l’instant, elle se contente souvent d’annoncer ses nouvelles offres. Et ses actions commerciales se résument à des concours ou des baisses de prix. Enthousiaste et passionné par son sujet, Jérôme Manceau ne manque pas d’idées. « Nous voulons créer une émission mensuelle avec des influenceurs qui deviendront ambassadeurs de notre marque et de nos produits, qui partageront nos actualités, comme cela se fait au Japon. Nous voudrions aussi tourner des documentaires originaux : une journée avec un réalisateur ou avec un mangaka. Nous sommes même en contact avec des sociétés de production audiovisuelle pour adapter des mangas en courts métrages. »
Un point d’entrée unique pour relancer le e-commerce
L’équipe marketing dont Jérôme Manceau s’occupe compte neuf personnes dont deux travaillent sur le marketing direct. Le display et l’achat d’espace publicitaire en constituent la majeure partie. « Après une tentative avortée par manque de ressources il y a 4 ans, nous réfléchissons de nouveau au e-commerce. La vente en ligne est un vrai débouché, mais nous ne pouvons pas lutter contre Amazon ou la Fnac. Cependant, nous pourrions tout à fait proposer des produits exclusifs grâce aux licences que nous détenons. » Le nouveau directeur marketing envisage aussi un espace digital qui agrégerait tout ce que cherchent ses clients : ses produits bien sûr, mais aussi la billetterie pour des conventions européennes, des figurines, etc. « De tels points d’entrée unique n’existent pas, insiste Jérôme Manceau. Sur celui de la Fnac, on se perd avant d’y arriver. » Kazé va recruter un spécialiste du e-commerce dans les prochains mois, et compte bien s’appuyer aussi sur les médias sociaux pour doper ce service.
Proposer des exclusivités lors des événements physiques
Enfin, Kazé compte aussi renforcer sa présence dans des événements physiques, pour animer sa communauté et surtout prolonger le tout en digital. « Nous ne sommes présents que sur un seul salon, Japan Expo, raconte Jérôme Manceau. Nous voudrions en faire plus et disposer d’un espace privilégié de discussion avec notre communauté. Et surtout, avec une résonnance côté digital. »
« L’enjeu, pour nous, c’est de nous structurer, de revoir l’organisation et les processus pour prendre un bon départ avec cette nouvelle stratégie, selon le directeur marketing de Kazé. Désormais, employé du marketing travaillera par exemple autant sur les mangas que sur les DVD, avec une vision globale de marque. » Toutes ces « pistes de création de valeur » visent à proposer un ensemble de services à la communauté pour nourrir un écosystème de marque, et ne plus positionner Kazé comme un simple fournisseur de produits.
Emmanuelle Delsol
– Activité : édition et commercialisation de mangas papier et de séries japonaises animées en DVD et en SVOD, licensing des marques associées pour des ventes à la télévision, des sorties cinéma et du merchandising. Plus de 400 références et de 150 licences en catalogue. Titres phares en mangas et séries d’animation, on trouve One-punch man, My hero academia, Le tombeau des lucioles, The promised neverland, Black clover et Hokuto no Ken.
– CA 2019 : 16 millions d’euros
– Effectifs 2020 : Environ 20 personnes